Les pêcheurs professionnels pratiquent la grande pêche au barrage dès le mois de janvier dans le lot qu’ils ont loué. Les poissons visés sont des migrateurs : saumons, aloses, lamproies.
En 1920, Maurice Genevoix, qui préparait Rémi des Rauches, a passé plusieurs jours sur la toue de Gustave Serenne.
En mai, commence la pêche aux engins, filets, nasses, lignes de fond, etc. pour capturer toutes sortes de poissons, en particulier la friture de goujons ou d’ablettes préparée et vendue par les femmes. Quant aux pêcheurs à la ligne, il y avait parmi eux de grands spécialistes qui ont initié le jeune Maurice Genevoix et lui ont inspiré un roman intitulé La boîte à pêche.
Les mots de Maurice Genevoix :
Vers le milieu du fleuve, la toue guettait déjà. Son toit de zinc éblouissait ; elle semblait tapie au ras des eaux, immobile et bizarre, avec son balancier dégingandé au bout duquel, doucement, toile d’araignée brandie, oscillait le large carrelet.
Le pêcheur, dans sa main gauche, tient la cordelette des cambres. Il l’a nouée autour de ses doigts. Elle pend au bout du balancier, la longue poutre ronde qui s’incline, dépasse là-bas l’étrave de la toue et retient plongé sous les eaux, touchant la muraille de fil, le carrelet qu’elle porte à sa pointe. Théoriquement, rien de plus simple : cette toile tendue qui barre le fleuve, à la moitié de son lit mouillé… Le poisson qui remonte et la heurte va la longer en s’éloignant du bord. Ainsi viendra-t-il à passer au-dessus du carrelet tendu. Au pêcheur de saisir le moment, de lever assez vite et roidement pour que la bête soit capturée. C’est ici qu’interviennent les cambres.
Ce ne sont que des ficelles, un faisceau de ficelles nouées en V à la nappe du carrelet, toutes convergeant vers la cordelette qui chemine le long du balancier pour aboutir à la main du pêcheur. Ces cambres sont au sein du fleuve des yeux qui veillent, des doigts qui palpent, un sixième sens au service du veilleur.
(Routes de l’aventure de Maurice Genevoix, © Plon, un département de Place des éditeurs, 1959)
Le pêcheur et la lavandière.
La place était bonne entre toutes, à l’aval du bateau-lavoir… Sous les amarres, dans le remous céruléen, le banc d’ablettes frémissait. On ne le voyait pas, on ne voyait que son frémissement. C’était, à la surface de l’eau une agitation grésillante, une grêle de grains de sable éparpillés aux mailles d’un crible…
La mouche tombait, nonchalante, au travers. Et tout de suite, à son abord, l’eau s’éraflait d’une chiquenaude, le bas de ligne glissait, entraîné jusqu’à la secousse du ferrage : un coup de poignet bref et doux, piquant l’hameçon aux lèvres de l’ablette. Elle jaillissait hors de l’eau savonneuse, éclat de soleil blanc capté par la main du pêcheur.
(La boîte à pêche de Maurice Genevoix, © Éditions Grasset & Fasquelle, 1926)
Concours de pêche.
Depuis que la petite ville a sa « Société » de pêcheurs, elle a aussi ses concours de pêche. Le Gardon du Chastaing afferme le cantonnement. Privilège et noblesse obligent : tous les ans, à la fête du mois d’août, le Gardon reçoit chez lui.
… — Bravo ! Vive le Gardon ! Vive la fanfare !
Les musiciens ont dégrafé le col de leur dolman à brandebourgs, rejeté sur la nuque leur képi à plumet bleu. Ils soufflent, cramoisis, dans les pistons, dans les trombones, dans les bugles
(La boîte à pêche de Maurice Genevoix, © Éditions Grasset & Fasquelle, 1926)