Circuit Maurice Genevoix

Etape 5 : les mariniers de Loire

Chaland de Loire ; aquarelle ; René Goueffon

L’apogée de la marine de Loire se situe au XVIIIe siècle, et Châteauneuf-sur-Loire, considéré comme le cinquième port ligérien si on se réfère au nombre de mariniers recensés, a tiré parti de sa situation privilégiée entre canal d’Orléans et canal de Briare pour participer au ravitaillement de Paris. Il suffit d’observer les équipements portuaires qui subsistent depuis la Ronce jusqu’à l’Herbe Verte pour en mesurer l’importance.

La chute du trafic fut d’autant plus brutale, au milieu du XIXsiècle, malgré la récente mise en service des bateaux à vapeur, à cause de la concurrence du chemin de fer arrivé à Orléans en 1843, puis prolongé vers Nantes.

 

 

Les mots de Maurice Genevoix :

 

J’ai connu les derniers au temps de ma lointaine enfance, survivants encore gaillards de la défunte batellerie de Loire. Cette batellerie, cette marine des mariniers, il y a un siècle qu’elle est morte, à peu près. Elle avait connu longtemps une prospérité incroyable. Comment penser qu’entre ces berges où le sable dévore les eaux, des flottes entières ont allègrement vogué ? Rame, voile, vapeur, halage, selon les âges et les saisons. Il fallait être patient, chômer souvent et quelquefois longtemps, lors des eaux grandes, des eaux maigres… Il fallait baliser, chevaler, c’est-à-dire creuser dans les sables, à grand ahan, un chenal sans trêve recomblé. Et pourtant, ils passaient, les bateaux à fond plat, noirs de goudron, poussés du fond à la bourde ferrée, halés du bord à la bauline, à bras et à poitrines d’hommes…

(Routes de l’aventure de Maurice Genevoix, © Plon, un département de Place des éditeurs, 1959)

 

Quelles voix ! Quels coffres ! Tatoués, patibulaires, des anneaux d’or pendant à leurs oreilles velues, leurs offres sonnent comme des sommations. Batailleurs, coureurs de filles, soiffards jamais désaltérés, fanfarons, braillards, pétuneurs, chanteurs et conteurs bien disants, au demeurant les meilleurs fils du monde.

(Routes de l’aventure de Maurice Genevoix, © Plon, un département de Place des éditeurs, 1959)

 

Après la disparition de la marine de Loire traditionnelle, les mariniers se sont reconvertis ou spécialisés dans des activités en lien avec la Loire : grande pêche au barrage ou aux engins, exploitation d’un bac pour la traversée du fleuve, dragage de sables et granulats, exploitation d’un bateau-lavoir, etc.

 

Des chaînes, en proue et en poupe, amarraient à des pieux l’énorme hangar flottant. Le bout des selles alignées, les silhouettes des laveuses émergeaient au bord de la lumière… On entrevoyait en arrière des fagots et des cotrets, une bouteille d’eau de Javel, d’un jaune verdâtre de citron, la fournaise rouge de la chaudière. Et les battoirs claquaient, les brosses de chiendent frottaient, projetant sur l’eau des bulles savonneuses, des flocons de mousse blanche et légère.

(La boîte à pêche de Maurice Genevoix, © Grasset & Fasquelle, 1926)

 

Mariniers, inv. M466, MML

Bateau-lavoir ; carte postale ancienne ; collection particulière

La drague Pillon : extraction de sable et de jard de Loire dans les années 1920 ; carte postale ancienne ; collection particulière